"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

lundi 1 mai 2017

LES FEMMES VOTERONT-ELLES ?


Par André Tardieu1 (28 mai 1937)

Voici un texte détonant par un homme de droite alors que l'on aurait pu espérer que la « gauche » des années 1930 aurait pu exiger l'institution immédiate du droit de vote aux femmes. Il n'en fût rien, la gauche au gouvernement Blum (mais sans une gauche stalinienne qui lui apportait un soutien très critique) promit mais ne tint pas. Tardieu oublie de mentionner que les bolcheviques ont immédiatement intronisé le vote féminin – quasi au même moment qu'aux Etats-Unis -, et celui-ci existait déjà dans plusieurs pays capitalistes. Tardieu, un peu désillusionné de la politique officielle, invoque la « carence française » par la tradition catholique et la lâcheté des partisans du vote féminin. Le problème est plus complexe, et Tardieu, même si son libelle est intéressant en particulier contre le « mensonge démocratique », oublie que les femmes n'ont pas encore investi massivement le monde du travail industriel et que, pour la plupart des ouvriers leurs femmes sont des gibiers à curé et ne peuvent que « voter réactionnaire ». La conscience de classe ne naît-elle pas sur le terrain du travail, de l'exploitation quand la femme au foyer, individualisée se rend à la messe et gobe le discours de morale politique du curé qui ne souffre aucune contestation. Les femmes qui votent depuis longtemps dans les autres pays évoqués par Tardieu ne sont pas non plus de dangereuses électrices prolétariennes. George Sand comme Louise Michel estimaient que le temps du vote des femmes n'était pas advenu, et que viendrai le temps où elles auraient à prendre leurs responsabilités. Se syndiquer et voter restaient un attribut des prolétaires hommes. En 1937, la gauche bourgeoise au pouvoir se conforme à cette mentalité dominante dans la classe ouvrière, ce qui n'est ni une gloire de la part de cette dernière ni complètement dénué de fondement car, comme le rappelle pourtant le célèbre Renan, la religion s'est maintenue partout dans le monde par les femmes (et c'est-ti pas encore vrai?); sans développer plus ce fait que la femme, dans sa condition inférieure par rapport à l'homme (qui apportait la paye au logis) n'existant pas socialement, trouvait dans le cadre religieux sa consolation ; comme d'ailleurs les femmes musulmanes voilées de nos jours qui vont se faire expliquer leur accouchement par de vieux imams qui n'ont jamais vu un clitoris. Religion compensation comme disait Marx, mais religion expression de la situation d'aliénation de la liberté pour les femmes et vérification de l'emprise des curés divers sur leur monde privé et solitaire devant le fourneau et le poids de l'élevage de la marmaille.
Le Front populiste n'a pas donné le droit de vote aux femmes, ricane Tardieu. Il y a la guerre à préparer et il faut leurrer les ouvriers avec les congés payés. Après il y eût la guerre et le droit de vote des femmes tomba dans l'oubli et les culs de basse fosse. Quelle plume ce Tardieu pour rappeler la fausseté de la légende fumiste de cette gauche bourgeoise et féministe, exaltée jusqu'au bout de l'échec électoral par les divers Hamon et autres Mélanchon!




Il y a eu, la semaine dernière, une « Journée internationale des femmes ». M. Blum y a parlé. Il a d'abord proclamé que son gouvernement avait réalisé, sous les espèces ministérielles de Mmes Brunschwig et Lacorre, l'égalité des sexes. Il a ensuite reconnu que, pourtant, les femmes ne votent pas.
Mais il a ajouté que, d'ici peu, il allait supprimer ce paradoxe. Si c'était vrai, ce serait, pour une fois, une bonne nouvelle.

La femme française infériorisée

Un homme de gauche, mille fois plus puissant que M. Blum et qui s'appelait Maximilien Robespierre, avait annoncé, dès 1789, le suffrage des femmes en proclamant que « la souveraineté réside dans le peuple, dans tous les individus du peuple ». Cent quarante-huit ans ont passé. Et les femmes françaises ne votent pas.
La Cour de Cassation, par un arrêt célèbre du 6 mars 1885, a prononcé : « Aucune disposition constitutionnelle ou légale n'ayant conféré aux femmes la jouissance des droits politiques, elles ne peuvent pas être inscrites sur les listes électorales ».
Sans doute, en 1919, la Chambre a voté que « les lois et règlements sur l'électorat à toutes les assemblées élues seront applicables à tous les citoyens français, sans distinction de sexe ». Mais le Sénat s'est mis en travers. Et les femmes continuent à ne pas voter.
Ce n'est pas la seule infériorité qui leur soit infligée. En vertu du Code civil, qui date de 1810, « l'incapacité de la femme mariée » porte toujours, malgré de légers amendements, ses iniques conséquences.
La femme mariée ne peut ni hériter de titres nominatifs, ni se faire ouvrir un compte en banque. Si le mari est un escroc, elle risque sous le régime de la communauté, de connaître des préjudices, que l'amant escroc ne pourrait pas faire subir à sa maîtresse.
Croit-on que, si les femmes avaient disposé du vote politique, le maintien de ces absurdités aurait été possible ?

Une tare française

Cette situation outrage le bon sens, l'égalité, la justice et ce qu'on appelle, à tort d'ailleurs, la
démocratie.
Le bon sens ? Qui ne voit qu'aucun des arguments utilisés contre le vote des femmes n'est admissible, dès lors que, sans autre restriction que celle d'être fou, emprisonné ou failli, tous les hommes de vingt et un ans peuvent voter ? Condorcet l'avait reconnu en 1790.
L'égalité ? Pourquoi les femmes, payant des impôts comme les hommes, seraient-elles moins intéressées qu'eux à en surveiller le vote et l'emploi ? Fermière ou laboureur, boulangère ou menuisier, c'est tout un.
La justice ? Puisqu'il est entendu que le suffrage est universel et que la nation s'y exprime, de quel droit en priver ces grandes ouvrières de vie, dont parlait M. Renan, en les réduisant à la condition de l'idiot, de l'enfant ou du fou ?
La démocratie ? Avant d'invoquer la démocratie, il conviendrait de la réaliser et il n'y a pas de démocratie là où la moitié de la nation, exclue des bureaux de vote aussi bien que des assemblées, n'a aucun moyen d'être représentée.
Cette situation, qui pèse sur la vie privée comme sur la vie publique, est un défi aux principes du régime, sous lequel les français croient vivre.

L'exemple des autres

Et, d'ailleurs, pourquoi parler du vote des femmes au futur, comme d'une aventure ou d'une expérience ? L'expérience est faite.
Cette expérience a été faite par plus de trente pays, dont les plus notoires sont la Grande-Bretagne, les Dominions, les Etats-Unis, l'Allemagne, l'Autriche, la Tchécoslovaquie, la Hollande, la Suède, le Danemark, la Norvège. Et elle a donné le suffrage à plus de cent cinquante millions de femmes.
Dans aucun de ces pays, le vote des femmes n'a troublé ni la vie publique, ni la vie familiale. Il n'a ni bouleversé les partis, ni altéré les vertus féminines. Quand, d'un seul coup, le 26 avril 1920, les Etats-Unis ont accordé le suffrage à vingt millions de femmes, aucune des catastrophes annoncées ne s'est produite.
Mieux encore : les pays, où les femmes votent, sont ceux où il y a le moins de femmes travaillant hors de chez elles. Dans aucun de ces pays, personne, depuis qu'existe le vote féminin, n'a proposé de le supprimer.
Un premier ministre anglais, M. Asquith, qui avait autrefois combattu la réforme, disait en 1917 : « Un nouvel ordre de choses est né de la guerre. ET contester aux femmes le droit, qu'elles ont acquis, de se faire entendre directement serait peu conforme à l'esprit de justice, qui doit nous animer ».

Comment expliquer la carence française,

Pour expliquer le retard de la France, sinon pour l'excuser, il y a plusieurs motifs. Les uns sont secondaires. Un seul est décisif.
Une tradition catholique, qui vient de saint Paul et d'Ulpien : « Femmes, soyez soumises à vos maris ». Le droit canon s'est bâti là-dessus.
Une tradition romaine et montagnarde, que Napoléon a résumée dans ses codes : « La seule chose, qui ne soit pas française, c'est qu'une femme puisse faire ce qu'elle veut ».
Une tradition littéraire, dont nous sommes imprégnés et qui, partant de Molière, s »en vient, par Boileau et Rousseau, rejoindre Proudhon.
A côté de la tradition, il y a des fautes de tactique commises par les défenseurs du vote féminin.
Intimidés par tant d'obstacles, ces défenseurs ont cru, comme beaucoup d'autres, à l'efficacité des transactions, qui sont toujours des capitulations. Ils ont décomposé leur revendication et accepté des solutions mutilées : électorat réduit, éligibilité indéfiniment ajournée.
Ils ont ainsi méconnu deux grandes vérités. L'une c'est que le suffrage féminin est un tout. L'autre, c'est que ses adversaires ne sont pas moins hostiles aux éléments du tout qu'au tout lui-même. M. Ferdinand Buisson disait avec raison, qu début du siècle, qu'il faut, en une telle manière, prendre parti pour ou contre la doctrine générale.
Il y a enfin, dominant tous les autres, un motif politique, qui s'est constamment exprimé par la résistance du Sénat. Ce motif a été avoué par tous les rapporteurs du Luxembourg, qu'ils s'appelassent Alexandre Bérard ou Pierre Marraud. Tous ont dit : « Objection politique ».
Seulement, dans cette objection, il faut distinguer la forme et le fond, l'apparence et la réalité.
L'apparence est anticléricale. « La religion, disait M. Renan, n'est maintenue dans le monde que par les femmes ». On craint donc que le vote féminin ne donne une arme à la propagande de la chaire et du confessionnal. C'est ce que les sénateurs appellent un saut dans l'inconnu et la république en danger.
Mais cela, qui est ce qu'on dit, n'est pas vrai et personne n'y croit. Ce qui est vrai, on n'en parle pas.

La cause première

Le refus obstiné du vote féminin a la même origine que le maintien de tous les abus, dont est empoisonné notre régime politique.
A la base ? Un peuple dessaisi de toute souveraineté effective ; dont ni la liberté, ni l'égalité ne sont, faute de constitution, garanties d'aucune façon ; un peuple qui, privé du droit de voter sur les idées, vote, à raison de 25% de son effectif total, pour élire des majorités parlementaires, par qui sont représentés 2 millions et demi de français sur 42 millions.
Au sommet ? Des assemblées, dont les membres ont obtenu, tous ensemble, moins de voix que les candidats battus ; des élus qui, par la rééligibilité indéfinie et le cumul des mandats, sont condamnés à être éternellement des candidats et à transformer leur mandat en métier ; des élus qui, asservis dans ce métier aux deux objectifs de la réélection et de l'accession au pouvoir, sont d'une part les maîtres despotiques de l'exécutif, de l'administration et des citoyens, d'autre part les esclaves tremblants des « tireurs de ficelles », que manient trop souvent les puissances d'argent.
Dans ce système, tout se tient et c'est pourquoi les bénéficiaires sont si résolument hostiles à toutes les véritables réformes de structure, sur quelque point qu'elles portent.
Ils sont hostiles au vote des femmes. Mais ils ne sont pas moins hostiles au vote obligatoire, au vote familial, à l'égalisation des circonscriptions, à la proportionnelle, à la suppression du second tour.
Ils sont pareillement hostiles au référendum, à la dissolution, au recours judiciaire contre les lois inconstitutionnelles, à la réforme de l'exécutif et de la responsabilité ministérielle, à la suppression de l'initiative financière des députés (sic... Penelopegate 2017), au statut des fonctionnaires et à celui des travailleurs, à la rénovation sociale, intellectuelle et morale.
A tout cela, les prébendiers du régime n'ont jamais touché. A tout cela, ils ne toucheront pas. Il n'y a pas que les élus qui soient inviolables. Il y a aussi les abus.

Le Front populaire ne donnera pas le vote aux femmes

Dira-t-on que la France possède présentement, à la tête de son gouvernement, un révolutionnaire et que, dès lors, tout va changer ? Je n'en crois rien.
On a tort de prendre le gouvernement de Front populaire comme un accident révolutionnaire. Ce gouvernement n'est pas – c'est son chef qui l'a dit – composé d'aventuriers égarés au pouvoir. Il est le continuateur logique et le conservateur attentif du système, vieux d'un demi-siècle, que j'ai appelé le mensonge démocratique.
Les affreuses malfaçons, que j'ai rappelées plus haut et qui datent de M. Grévy, le ministère socialiste les a précieusement sauvegardées. Jamais la « machine » n'a joué plus à plein que sous son règne.
Les « réformes », qu'il a opérées, sont toutes dans la ligne de l'étatisme, à la fois despote et servile , qui, depuis cinquante ans, réconcilie des programmes anémiés. Jamais, depuis un an qu'il est tout-puissant, on n'a vu M. Blum s'occuper des refontes profondes, qu'il recommandait naguère, dans des livres, dont les uns traitaient du mariage et les autres de l'Etat.
Ces changements en profondeur, M. Blum, chef du gouvernement, les néglige – comme les négligent les réformateurs de tout poils, qui lui font face. Que dis-je? M. Blum les cultive, parce qu'il vit, plus que personne, de ces abus bourgeois.
C'est pourquoi, ayant retenu le discours où il promet le suffrage aux femmes, je crois que, soucieux de ne rien déranger de l'ordre existant, il ne leur donnera pas.

Un conseil pratique

S'il m'était permis de donner un conseil aux partisans du suffrage féminin, je dirais ceci :
1° Au lieu de minimiser la réforme en la décomposant (électorat municipal, éligibilité), il faut lui donner sa forme maxima. Tout ou rien. Car, sans le tout, il n'y aura rien.
2° Au lieu d'isoler la réforme en s'imaginant que cet isolement la protège, il faut la lier étroitement à la reconstruction totale de l'édifice français. Car, sans cette reconstruction, le vote des femmes sera, ou non réalisé, ou inopérant.
Ou bien, par un large mouvement d'opinion, on gagnera la bataille sur tout le front. Ou bien on la perdra, en détail, dans chaque secteur.
La Révolution, qui est à refaire, est un bloc, comme l'autre. C'est en bloc qu'il faut la concevoir, l'entreprendre et l'accomplir.

COMMENTAIRES ADDITIFS : LA FUMISTERIE DU VOTE TARDIF CONCEDE AUX FEMMES et les ambiguïtés du « centriste » Macron « patriote » pro-européen, pro-Allemagne, pro-ceci, pro-cela

Lorsque la bourgeoise française consent à refiler le droit de vote aux femmes, ce n'est déjà plus un cadeau mais une esbroufe. C'est la droite recyclée gaulliste – et pour faire oublier son rôle sous Pétain – qui produit cette réforme « tardive », laquelle sert au parti gaulliste à empêcher le PC stalinien de prendre le pouvoir, grâce au vote massif des femmes (libérées) pour le grand Charles.
Cela, cette condition filandreuse pour la concession du droit de vote aux femmes enfin obtenu, les gauches gouvernementales et frondeuses se gardent bien de le rappeler de nos jours. On nous gave avec quotas et parités. Macron promet moitié de femmes ministres, mais son problème est son couple fusionnel. Il devrait proposer l'élection familiale ou par couples pour justifier son injustifiable couple où il prétend réserver un fauteuil à sa maman, qu'il appelle toutes les heures. Le problème des couples au pouvoir ou de pouvoir présente un vrai danger de népotisme autoritaire qui suscite des remous jusque dans la mouvance « en marche » de cet homme fabriqué par la finance, certains s'indignant : « je vote pour un candidat, pas pour sa femme ». Au terme de cette lamentable campagne où aucun candidat n'a promis de remettre en cause le statut privilégié et la cagnotte des députés – qui fût le sujet central pour éliminer filou Fillon – vous allez, électrices et électeurs français faire triompher un népotisme qui ne se cache presque pas, cerise sur le gâteau du mensonge démocratique bourgeois2.
De Gaulle avec son aura et son autorité avait su imposer la prééminence du président de la république dans l'immédiat après-guerre, dans l'ambiance union nationale pour la reconstruction. Or il était déjà en contradiction avec la loi de gouvernance de 1901 qui indiquait que si les fonctions de présidence étaient assumées par une même personne ou par un couple, on tomberait sous le risque de l'illégalité, avec absence de contrôle des chambres et une omnipotence du président. Macron qui se vante de n'être contrôlé par aucun parti, pourrait avec son couple, instituer un régime plus autoritaire et moins contrôlable que celui (peu probable) de la mère Le Pen et ses pieds nickelés. J'ai expliqué par le passé à plusieurs reprises les dangers de sectarisation ou même de paranoïa qu'induit un couple fusionnel3. Un couple au pouvoir en politique est toujours réducteur et dictatorial ; comme je l'ai rappelé par exemple dans les grandes entreprises il n'est pas convenable de confier les rênes de direction à un couple, ce qui génère assez logiquement corruption et terrorisme. Et n'anticipons pas sur la pagaille législative.
Macron a des qualités pompidoliennes – il est un produit financier sans légitimité electorale - mais sans cette roublardise du sourcilieux auvergnat - ni un réel pouvoir personnel. Pompidou est mis en selle par De Gaulle en 1962, sentit venir une grande crise sociale. Macron en réfère à De Gaulle ponctuellement mais il n'est qu'une puce. Le remplacement de Debré par Pompidou sous décision du général : « ...constituait un scandale aux yeux des parlementaires chevronnés : non seulement parce que Pompidou qui venait de passer six ans à la banque Rothschild n'avait jamais reçu la consécration du suffrage universel et que les huit mois (juin 1958-janvier 1959) durant lesquels il avait été le directeur de cabinet de De Gaulle ne suffisaient pas à faire de lui un « professionnel » de la politique ; mais aussi et surtout parce qu'en renvoyant Debré, le général avait affirmé avec éclat son droit de révoquer n'importe quel premier ministre en n'importe quelle occasion »4.
Tous les présidents qui ont succédé au général ont su jouer de ce pouvoir régalien de faire sauter selon leur bon vouloir tout premier ministre lequel n'est plus qu'un faire-valoir, un fusible, comme l'a prouvé, à son tour, Valls vis à vis de Hollande ; et c'est pourquoi Le Pen a choisi Dupont-Aignan, insulté et traîné dans la boue par les artisses de la gôche hollandaise (et reconnaissante) comme s'il était Goebbels. Etrange dramatisation mais aussi curieux obstacle au futur couple présidentiel si, contrairement à l'expérience Chirac-Mitterrand, la cohabitation tourne mal avec un premier ministre résistant et membre d'un parti autrement consistant et implanté que la mouvance « en marche ». Plus que Pompidou, chevauchant encore un gaullisme arrogant, Macron ne sera que le jouet des financiers, et il assume totalement son 49-3 anti-ouvrier comme il l'a répliqué au perdant mécontent Mélanchon.
Le centre a toujours été un mythe en France comme le constatait le fin Gilles Martinet en 1973 :
« Il n'y a pas aujourd'hui dans le vocabulaire politique français de mot plus ambigu que celui de « centre ». De quoi s'agit-il en effet ? D'un courant qui se trouverait entre l'UDR et la gauche ? Mais s'il est bien vrai que Giscard d'Estaing est à la droite de la gauche, personne ne peut soutenir qu'il est à la gauche de l'UDR. (…) … c'est en définitive à la même source technocratique moderne que viennent puiser Lecanuet et Edgar Faure, Giscard et Pompidou (…) La base du centrisme est très hétérogène (mais en vérité toutes les bases politiques le sont). Elle comporte trois éléments essentiels :
1° une partie de la petite bourgeoisie provinciale que heurte le centralisme parisien et qu'expriment assez bien les notables « indépendants »
2° une fraction du patronat traditionnel qui accepte difficilement les changements en cours ;
3° un certain nombre de jeunes cadres qui ne se sentent pas solidaires de l'establishment technocratique et qui placeraient sans doute leur confiance dans la gauche si celle-ci ne leur apparaissait pas à la fois trop radicale dans ses objectifs et trop archaïque dans ses méthodes et ses structures ».(...) un nouvel élargissement de la majorité en direction des « centristes » signifierait la continuation du système... Ce serait la V ème moins la stabilité »5.

Aucun souci à se faire. En France on n'élit plus depuis belle Lucette sur programme, parce que de toute façon, aucun des politiciens vainqueurs n'est fichu de le « tenir ». On élit un poussin ou un vieux cacique qui est cornaqué par les mêmes équipes d'énarques depuis plus d'un demi-siècle, qu'on les nommasse banksters et financiers. Triste premier mai. En 2002 les masses de bobos et de jeunes lycéens naïfs avaient braillé sur les boulevards contre le borgne paternel. Ce jour il ne s'est rien passé. Peut-on manifester contre l'ennui ? Trois manifs éparpillées et encore un flic cramé pour le bonheur des derniers résidus indécrottables du trotskysme et du nanarchisme insurrectionnaliste de comptoir. Dernier feu d'artifice minable d'une campagne minable.

NOTES:

1Homme politique français du début du XX e siècle, proche collaborateur de Clémenceau pendant la Première Guerre mondiale, il fût trois fois premier ministre. Personnage brillant, de droite, il est affecté par le mépris que lui oppose son ex-guru Clemenceau (auquel il continuera de faire de petits signes comme cette allusion à la « révolution comme un bloc », vieille formule du « père la victoire » comme à l'égard de sa femme (lui qui fréquentait les bordels du chat noir), comme le révèle la fin de l'article. Tardieu rejoindra un temps l'extrême droite avant de finir à l'asile.
2Il y a une certaine morgue creuse d'énarque à s'arroger « de réconcilier les français » de la part d'une girouette qui, pilotée par un staff opaque fait du clientélisme à tout va : drague un coup l'électorat immigré (sa comparaison débile entre colonisation et nazisme), drague l'électorat juif via sa visite à Oradour sur Glane (on lui a soufflé que c'était sur le terrain de l'antifascisme réchauffé qu'il allait limiter les dégâts face à Marine Le Pen). Sans oublier la blague ahistorique, que j'ai dénoncée dans l'article précédent, sur la gauche stalinienne et le parti socialiste massacreur des ouvriers qui n'auraient pas su s'unir en 1932 en Allemagne... pour quoi faire ? Pour massacrer à la place de Hitler ?
Macron a affiché son total soutien à l'accueillante Angélique Merkel, qui a eu le « courage, elle » de
recevoir un million de migrants ! Il n'a pas été précisé de quel courage il s'agissait ni de quelle guerre. L'Allemagne bourgeoise ne lésine pas sur les moyens quand son industrie s'affole. Entre juin 1942 et l'été 1944, c'est 650.000 migrants français que Hitler fait venir au Vaterland : « en intégrant les 900.000 prisonniers de guerre « transformés » donc mis au travail » (cf. Vichy 1940-1944 de JP Azéma et O.Wieviorka, p.99).
3Cf. La folie à deux ou folie communiquée de Lasègue. Voir aussi les analyses de Lacan et de Anna Maria Nivolo. Voir mon livre « L'organisation eggregore » où j'explique l'implosion du CCI par l'action d'un couple pervers. En sous-main une partie de la droite dépitée dénonce la perversion du couple à trois Hollande-Royal et celle qui a succédé à « merci pour ce moment » qui en pince désormais pour Macron comme ces pauvres saltimbanques Torreton, et autres excités figurants de cinéma qui craignent pour leur abreuvoir à pognon de la culture.
4Gilles Martinet : Le système Pompidou (Seuil 1973).
5Gilles Martinet p. 160 à 165.