"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

dimanche 20 septembre 2015

DE LA REUNION FRATERNELLE DE QUELQUES CERCLES REVOLUTIONNAIRES





Voix des travailleurs (site : Matière et Révolution) avait invité diverses personnes et cercles à sa réunion élargie semestrielle, si je ne me trompe, sous un libelle contre « l'extrême gauche du capital », avec sa faconde habituelle, avenante, non sectaire. Le titre d'invitation importe peu puisque le principal animateur, Robert Paris, indique aux présents, une fois réunis, de proposer leurs thèmes à débattre, leurs suggestions ou encourage chacun à faire les introductions aux débats choisis.
Il faut se rendre compte de l'originalité et de l'intérêt d'une telle démarche en nos temps de désarroi et de dégoût du politique, évidemment pour ce qui nous concerne, c'est à dire l'approche et la conscience de l'utilité des cercles et groupes qui se réclament d'une classe ouvrière révolutionnaire et portent l'exigence ancienne et obstinée d'une nécessaire révolution prolétarienne contre l'ordre existant. Pas d'à priori, pas de menaces terroristes dans l'affirmation des opinions, pas d'anathèmes précipités, pas de morale gauchiste comme argument politique, tous ces éléments concourent à oxygéner n'importe quel débat  pour éclaircir la conscience de classe, et ainsi échapper à la chape de plomb des médias et de la plupart des groupes politiques officiels. Il n'est pas étonnant qu'une telle démarche soit issue de camarades venus de Lutte Ouvrière, groupe trotskien léniniste le plus éloigné des modes gauchistes, secte hermétique à leurs modes confusionnistes de type antiracisme, antifascisme de pacotille et luttes « libératrices » des diverses catégories sociologiques. Le genre a toutefois ses limites comme on le verra dans ma tentative de résumé, objective et subjective, de cette étonnante réunion ; il est incontestable que nombre de ces camarades passé à la moulinette trotskienne durant des années conservent des réflexes de pensée que je dirai de type caméléon (on s'adapte en fonction de la radicalité de l'intervenant) donc opportuniste, ce qui signifie qu'ils font partie, eux, tout de même du combat révolutionnaire au sein du prolétariat.

Après un tour de table, trois sujets furent choisis pour rythmer notre journée de débats :
                    la situation internationale
                    bilan des luttes sociales en France
                    la question de la laïcité.

Je fus choisi comme président de séance, moi qui me considère plutôt comme un yéti, mais j'ai su habilement me délester de cette tâche ingrate en cours de journée, pour la refiler à la jeune garde montante canadienne.

LA GUERRE EST-ELLE LA CAUSE PREMIERE DE LA CRISE DES MIGRANTS ?

Ma présentation de la situation internationale fût centrée sur la question de la guerre et des migrants. J'ai dit que l'essentiel pour comprendre le moment de la propagande d'Etat était la phase de négociation pour le partage des champs pétroliers entre Obama et Poutine, sur le dos de l'Europe qui se débat avec le merdier de la crise des migrants. J'ai à ce titre salué le titre du tract de Voix des travailleurs : « Ils brandissent les migrants pour nous tromper »[1].
J'ai ensuite développé ce que je dis sur mon blog concernant l'utilisation des migrants (même si cela n'eût pas l'air de plaire à tout le monde), le fait qu'il y a un grand nombre de bobos parmi eux, que la bande à Merkel a été irresponsable de prétendre les accueillir massivement, que c'est la dénonciation de l'impéritie des gestionnaires capitalistes qui prévaut plus que de se soumettre aux diverses opérations de charité publique.
Evoquant les toutes proches élections en Grèce, je me suis attaché à souligner que la soit disante compétition gauchiste pour prendre le pouvoir, avait trouvé là son épilogue ; pendant 50 ans les gauchistes en pointe (les trotskiens puis souteneurs de Syriza) nous avaient raconté qu'on allait voir ce qu'on allait voir (leur fond de commerce restant le capitalisme d'Etat et ses nationalisations), mais une fois au pouvoir tout se dégonfle, ils ne peuvent tenir aucune promesse sérieuse, à part échelonner les dettes des pauvres ou comme dans le programme adjacent de Varoufakis proposer des bons de nourriture aux pauvres, c'est à dire un programme de malnutrition de guerre. Le parti Syriza aura servi à illusionner quelques mois le prolétariat grec (très fractionné et divisé, avec une majorité d'immigrés qui se tapent le sale boulot) avant retour à la case départ.

La discussion s'engagea avec une contestation de la guerre comme causalité première de la crise des migrants de la part des camarades de VDT (Voix des travailleurs) [2]. En premier lieu, Robert Paris remarqua que la planète connaissait la guerre partout depuis longtemps. Partout la bourgeoisie s'efforce de mobiliser nationalement. Il a évoqué le Patriot Act, puis il a développé ce qu'il estime être dialectique, une confrontation permanente de la bourgeoisie et du prolétariat dans chacun des événements marquants de ces dernières années. Ainsi lorsque Saddam Hussein fût en passe d'être renversé, c'était parce que le prolétariat en Irak étant dans une situation potentiellement révolutionnaire. On avait assisté au début des troubles en Syrie, c'était comme partout ailleurs dans les soulèvements du « printemps arabe », à des manifestations ouvrières pacifistes de masse. Par conséquent si on ne voit pas en permanence les orientations de la bourgeoisie dans chacun de ses engagements comme un combat contre le prolétariat, on n'est pas marxiste. N'y a-t-il pas des contradictions au sein de chaque classe ? De même il n'y a pas de séparation entre la lutte de classe, la guerre et les migrants. L'ouverture soudaine et chaleureuse aux migrants n'est pas autre chose qu'une attaque contre le prolétariat, sans se soucier de qui les a fait fuir. Tout cela a été fait exprès. Les bourgeois ne sont pas en guerre avec eux-mêmes mais incapables de gérer la planète. Il y a de plus en plus une limitation du capital à accumuler davantage. Nous vivons une situation nouvelle. Quant à l'extrême-gauche, elle est victime de sa perte de confiance dans le prolétariat ; elle n'a plus confiance dans les capacités du prolétariat, elle le voit uniquement comme démoralisé. Pourtant la bourgeoisie a de bonnes raisons d'avoir peur du prolétariat.

Pour l'un des camarades du GIGC il faut placer les questions au niveau historique. Il n'y avait pas de capacité alternative du prolétariat en Irak. Il brossa le tableau des cycles de défaite et du cours historique avant la Seconde Guerre mondiale, pour insister sur le fait que le capitalisme n'a que la guerre comme solution à sa crise de surproduction. Bien sûr que la crise des migrants est due à la guerre. Plusieurs éléments expliquent pourquoi la guerre mondiale n'a pas encore eu lieu. D'abord il n'y a pas encore eu constitution de blocs qui sont indispensables dans une confrontation généralisée.  Ensuite la menace prolétarienne demeure, même si le prolétariat est encore globalement soumis à l'idéologie bourgeoise, il n'est pas complètement soumis ; de plus, il faut faire la comparaison qui s'impose : il n'est plus autant « encadré » qu'il le fût dans les années 30. Depuis 2008 on assiste à un développement des luttes ouvrières dans le monde. On a vu aussi des luttes importantes en Grèce. La bourgeoisie mène une attaque à la fois économique mais aussi politique. Elle se doit partout d'infliger une défaite idéologique au prolétariat. Enfin le camarade estima qu'il ne faut pas en rester au niveau de la simple discussion, mais se poser à terme la question du regroupement des révolutionnaires, saluant la réunion organisée par VDT.
Plusieurs camarades de VDT se sont succédé, témoignant de leur combat en entreprise, de leur lutte contre la défaite organisée des syndicats, de leur capacité à favoriser les discussions, de leur conscience que les travailleurs ne baissent pas les bras... la chute de la Bourse en Chine est aussi révélatrice... on peut sortir de l'étau : ou blanc-seing à l'Etat ou charité (Max). Appuyant l'intervention de R.Paris, un autre camarade estima que le camarade Juan avait embrouillé, que le capital étant toujours en guerre, ce ne pouvait pas être une nouveauté que de la fournir comme explication première, et qu'on n'est pas à la veille d'une 3 ème Guerre Mondiale. Du point de vue du prolétariat, on n'en est plus aux espoirs vains des journées d'action, certains se posent le problème de qu'est-ce qu'on va mettre à la place du capitalisme, faire des comités, etc. (Efraim). Les guerres impérialistes sont des rivalités de classe, selon Borak[3]. Il répondit au camarade du cercle Robin Goodfellow – qui avait fait circuler une série de graphiques illustrant l'effondrement économique – que les statistiques n'expliquent pas tout, que même dans les périodes d'effondrement économique, le capitalisme est capable de s'en sortir.

LES GAUCHISTES PAUVRES VICTIMES DE LA DEMORALISATION DE LA CLASSE OUVRIERE OU ASPIRANTS MENEURS ?

Pour ma part, revenant sur les affirmations de R.Paris, je contestai que les motivations impérialistes soient en permanence calquées sur les désidératas du prolétariat. La bourgeoisie entoure c'est vrai toujours ses préparations militaires de campagnes sur « l'opinion », mais ce qui la détermine d'abord c'est la compétition entre fractions rivales, et dans les pays en guerre il n'y a pas de prolétariat développé à embobiner. J'ai récusé la formulation de R.Paris « l'extrême-gauche victime de sa perte de confiance dans le prolétariat ». Les gauchistes font partie de la bourgeoisie politique depuis longtemps, ce n'est qu'une variété de politiciens arrivistes qui ne partent pas des besoins ou objectifs politiques de la bourgeoisie, mais des leurs ; dans la Gauche Communiste dès la fin des années 40 ils sont nommés « aspirants meneurs » par Mousso. J'ai lu ensuite sur mon smartphone un extrait du texte de la Gauche communiste de France (Internationalisme 1947) qui les caractérisait bien avant notre naissance – j'étais le plus vieux de la salle - ainsi :
« Les ouvriers sont invités à participer à ce travail inutile ; toute la gauche bourgeoise – SFIO, staliniens, trotskistes – les entraîne à pallier quotidiennement à la crise du système bourgeois. Pour les uns, la grande pénitence, la ceinture au dernier cran est la solution réelle contre la famine ; c'est une façon de combattre le mal par le mal » (signé Mousso).
Une occasion au passage de rendre hommage à notre tradition de la « Gauche communiste », pas celle dont vous parle la télé, les Mousso, Chirik et Goupil.

R.Paris considéra enfin qu'il n'y avait pas de désaccords sur l'analyse des contradictions économiques du capitalisme, mais il prit pour exemple la guerre de Corée où, selon lui, la Russie ne fût pas impliquée. Reprenant l'erreur de la GCF (Gauche Communiste de France/revue Internationalisme) – la venue de la guerre mondiale en 1950 – il estima que la Gauche communiste avait renoncé à la dialectique dans l'espoir d'une révolution pure.
Je ne me souviens plus des détails de ma conclusion de cette discussion, mais j'ai probablement encore insisté sur le problème de la guerre et l'absence de prise de position de la plupart des groupes qui se réclament de la révolution prolétarienne (probablement parce que la question des migrants vient rendre confuse la « préférence immigrée » de certains ou la théorisation simpliste de la classe ouvrière comme « classe immigrée ». Dans les couloirs un camarade de VDT me fît remarquer que c'était plus de la sociologie de ma part et que la plupart des migrants étaient des prolétaires. Nous convînmes qu'une bonne partie d'entre eux ne finiraient même pas prolétaires mais retour à la case départ ou misère absolue.

LA BOURGEOISIE NE FAIT PAS CE QU'ELLE VEUT

En introduction au troisième volet de la série de débats – les luttes sociales en France – R.Paris s'efforça de démontrer que la bourgeoisie faussait la réalité de celles-ci et que le prolétariat est craint par la classe des dirigeants. Intégrant les syndicats dans cette « classe des dirigeants » il s'appuya ensuite sur des exemples à Radio France, dans les hôpitaux où les syndicats officiels se dépêchent de prendre les devants pour créer des comité hadhoc, parce qu'ils sont constamment sous la pression des gens. C'est loin d'être une sinécure pour les appareils. Les hospitaliers leur criaient : « on ne négocie pas ». Les interventions par tracts de VDT leur ont permis de s'adresser à un éventail plus large de « gens ».
Le président de séance regrettant que la présentation ne se soit pas attachée à parler des luttes au niveau international, cette déficience allait être comblée par les intervenants suivants. Ils se prononcèrent tous en accord avec le constat que le prolétariat reste un danger pour la bourgeoisie. Juan rappela l'importance du prolétariat allemand, sa lutte cheminote et dans les ports. Il rappela quelques-unes des principales luttes en France des 30 dernières années pour souligner l'importance de l'implication des militants dans ces luttes, leur participation active même lorsque les luttes sont chapeautées par les appareils syndicaux de la bourgeoisie. Il considéra qu'il a toujours un aspect politique dans les luttes ouvrières, comme l'avait formulé Rosa Luxemburg, et que la classe doit avoir la capacité à assumer ce combat politique contre les syndicats, en même temps que le rôle des minorités révolutionnaires est indispensable.
Pour le camarade D. de Robin Goodfellow, indéniablement il existe une frilosité de la bourgeoisie à monter ses attaques, ce qui n'empêche qu'elle en prépare de violentes, par exemple une attaque contre le droit de grève en Italie. Il affirma son accord avec l'importance toujours actuelle du prolétariat allemand. Il examina ensuite les conflits plus particuliers à Amazone et celui de Telefonica en Espagne, infos qu'il tenait d'une rencontre avec le leader de la grève. Des assemblées sont maintenues dans les provinces. Ils discutent sur la possibilité ou pas de recréer un syndicalisme de base. Il faut réfléchir particulièrement à l'explosion programmée du groupe ouvrier, une régression sociale qui éparpille les ouvriers en précaires. Comment pourra-t-on faire la révolution avec une classe aussi atomisée ? JLR a en partie raison de comparer avec les IWW. La centralité du prolétariat européen demeure bien que ce soit une classe beaucoup recomposée. On ne peut pas dire  pourtant qu'il n'y aura pas de leçons à recevoir du prolétariat de la périphérie, des pays émergents, comme celui du Brésil.
Une partie de la discussion fût consacrée aux oppositions classiques sur le travail à faire dans ou hors des syndicats. Les camarades de Robin Goodfellow estimant qu'un syndicalisme de classe est possible dans les pays émergents, et les camarade de VDT restant partisans d'un travail militant interne et externe à ces organismes, ce qui les opposaient au GIGC et à votre serviteur.
Un camarade de VDT fût d'accord avec moi, contre l'avis de Juan, que tout n'est pas politique, même si Rosa l'a dit, et avec cette formule que j'approuvai : « faire de la politique ce n'est pas s'occuper des grèves » (R.Paris). J'ai eu l'occasion d'insister à plusieurs reprises sur le fait que la grève ne peut pas être considérée comme le nec plus ultra de la lutte de classes qui a d'autres formes d'expression, manifestations, rassemblements, discussions en comités indépendants, réunions publiques de groupes révolutionnaires, sans compter que nombre de grèves sont totalement au ras des pâquerettes et complètement dirigées ou liquidées par la bourgeoisie. L'expérience de la grève joue pour la formation de la conscience de classe collective, mais elle n'est pas la seule voie d'accès à la conscience de classe, ni en soi réflexion politique aboutie. Mais l'ensemble des participants convinrent qu'on ne peut rien prédire, qu'un mouvement important peut se déclencher pour des questions accessoires ou dérisoires en temps ordinaire et révéler ce vase qui déborde soudainement d'une conscience trop longtemps comprimée par le mensonge déconcertant dominant. Discussion tout à fait fraternelle, comme le remarqua le président de séance, content de lui.

MALAISE DANS LA LAICITE

Présenté par un des camarades de Robin Goodfelow – présentation reflétant un certain malaise sur la question religieuse – la discussion ne se voilà (ce con d'ordi maintient l'accent) pas la face ni les cheveux. Comme le formula l'un d'entre nous (D.) : les marxistes avaient cru la question réglée, mais peau de balle !
Le débat fût un peu décousu entre RG qui avait mal embarqué le débat en faisant référence à un manque de respect des lois, celle de 1905 – ce qui souleva l'ire des partisans de VDT (on va pas se battre pour les lois bourgeoises!) - entre une question charitable pour les braves croyants : posons la question « y a-t-il une oppression spécifique ? » (Efraim) ; et bibi qui ne cachait pas son rejet de la modification téléguidée par l'Etat bourgeois du paysage culturel (foulards et minarets, cantine scolaire à mets séparés, salle de prière en usine, écoles confessionnelles) quitte à passer pour une passerelle de l'extrême-droite qui s'y connaît en viaduc et colimaçon. Je ne fus pourtant pas qualifié de xénophobe ni de racisme primaire.
Il était inévitable que cet autre qui avait sorti : « le voile est un signe ostentatoire, et la loi interdisant le voile n'est pas appliquée » ne pouvait s'attirer les bravos. A l'origine du thème, les camarades de Robin Goodfellow, au vu d'une prégnance renouvelée de la religion, estiment que le combat pour la laïcité du point de vue prolétarien est encore d'actualité. Pas du tout répondit R.Paris : « il y a eu une religion de la laïcité, un combat exclusivement bourgeois », et d'invoquer 1789 où la religion n'a pas été abolie, au contraire. La religion peut être détournée comme instrument politique, mais elle reste un problème social auquel on ne peut pas répondre dans l'abstrait.
Revenant à la charge d'autres membres de VDT assénèrent des affirmations aussi discutables que :
                    la religion est apparue en même temps que les classes
                    si une femme veut porter le voile, elle est libre.

Soit des inventions historiques, soit des connotations complices de la « tolérance » islamo-gauchistes, les interventions traduisaient à mon sens plus le malaise, l'incertitude et les attentes face à un sujet savonnette et pas du tout abstrait (ou au moins autant que le bon dieu) pour ceux qui suivaient R.Paris. Il était objecté à tout cela que le combat pour la laïcité, contre les curés exploiteurs a été aussi un moment du combat pour le prolétariat – le jeune Marx n'avait-il pas dit la première critique est celle de la religion ? - le premier décret de la Commune n'avait-il pas été la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Ensuite, mi-angélique mais pas évangélique, j'ai posé la question qui tue : lors de l'intronisation des salles de prière en usine sous Jospin, qu'auriez-vous pris comme position :
1.                  OK c'est bien c'est la tolérance
2.                  ce n'est pas une revendication de classe, nous sommes opposés à la confessionnalisation des lieux de travail.

La plupart furent en peine de se prononcer précisément. Il me semble que c'est Juan qui apporta la meilleure réponse. Considérant que la présentation avait fait une erreur de méthode, il considéra que seule la dictature du prolétariat permettra en supprimant les inégalités de tendre à faire diminuer les croyances religieuses, pas forcément à les faire disparaître. Il considéra qu'on n'avait pas à discuter des questions religieuses en AG, ni à accorder des salles de prière, plus de pauses peut-être. La religion sert à pousser à l'idéologie guerrière. On ne peut vraiment aborder ces questions que dans la dynamique de la lutte des classes. Il n'y a pas de recettes.

UN INCIDENT SECONDAIRE EN MARGE DE LA REUNION

Avisant un militant du cercle « Mouvement communiste » qui passait par là, je me fais engueuler par icelui qui me reproche de les avoir qualifié de « terroristes », ce qui peut aider la police. Je réponds que je les ai qualifiés de « terroristes rouges » en référence à leur ancienne théorie, commune à presque tous les gauchistes et ultra-gauches, repiquée à Trotsky et à la révolution française, nullement en les assimilant au terrorisme islamique. Il est vrai que parfois mon clavier a pu fourcher, mais je ne dénonce personne, je me moque d'une théorie caduque pour gagner le prolétariat à la révolution. Si tel a été le cas, c'est parce qu'on m'a informé que ce groupe avait sorti une brochure où ils annonceraient avoir abandonné le marxisme-léninisme et l'exemple de la révolution russe ; ce que je trouvais fort le café pour un groupe assez arrogant et ventripotent de verbiage intellectuel violent pour rameuter les masses. Renseignement pris, la brochure est introuvable auprès du libraire qui m'en avait parlé, et qui est devenu évasif sur le sujet ! Invention d'un ex-concurrent maoïste ? A suivre.
Revenons aux textes même du « mouvement communiste », sponsorisés comme textes classiques sur le fascisme par le révérend Yves Coleman, procureur anti-raciste à ses heures, et pourfendeur de la xénophobie des « souchiens » et du FN qui serait un parti « fâchiste ». Le texte des MC est hyper-gauchiste confus, complètement étranger à la tradition de la Gauche communiste. On y voit poindre le nazisme derrière chaque pet de la démocratie bourgeoise. L'infantilisme navrant sourd de phrases redondantes et potaches  et de curieuses conceptions :
                    nous allons vers « une militarisation rampante du rapport social de production (…) vers un national-socialisme à la française ».
                    le fascisme s'appuie sur toutes les couches de la société
                    sa base prolétarienne est constituée par des chômeurs, des prolétaires, des paysans en uniforme démobilisés et déclassés.
Des notions qui fleurent bon un modernisme mâtiné de marxisme-léninisme gratiné fleurissent un peu partout dans un discours hallucinant de menaces et d'affirmations outrancières. C'est quoi « la communauté du prolétariat mondial » ? C'est où « gagner la guerre contre le fascisme? ». C'est pas fasciste l'affirmation suivante : « le prolétariat ne doit pas s'encombrer donc de la défense de la démocratie contre le fascisme ». Toutes les formules sont ambiguës, semblent plagiées sur Bordiga, mais là où Bordiga exprimait un point de vue, souvent avec humour et doute, on assène ici des dogmes sectaires, avec l'argument de « l'autorité du parti », du « devoir ». Très militaire tout cela... Le révérend Coleman et ses rudes combattants de la phrase radicale, pionniers d'une analyse du fascisme comme produit de la classe ouvrière, ne seraient-ils pas nos nouveaux fascistes, en herbe ?
Je ne veux pas les accabler d'épithètes, il me font pitié, je regrette simplement de les avoir cités il a 15 ans dans mon livre sur l'histoire du nazisme (Cahiers Spartacus) comme référence parmi les groupes politiques plus clairs sur la nature du nazisme. Ils ne sont pas clairs du tout.






AJOUTS SUBSIDIAIRES HORS DE LA REUNION :

La collusion avec l'expansion de la joyeuse tolérance à l'expansion de l'islam est ouvertement chantée par Y.Coleman dans sa dernière revue. On fait semblant d'oublier que les pays colonisateurs se sont sentis floués après la décolonisation, non seulement de la privation de matières premières, mais de prolétaires, c'est pourquoi il a fallu revoir les politiques d'immigration et arrangements qui vont avec (accompagnement et financement des aliénistes religieux).
Listant les concessions religieuses faites  l'Etat bourgeois néerlandais, qu'ils estiment insuffisantes, Y .Coleman nous fournit la liste de ces « victoires » de la démocratie :
                    les musulmans hollandais sont mieux organisés puisqu'ils contrôlent 206 moquées sur 453 (n'en déplaise aux islamophobes et aux racistes!)
                    prise de jours de congé pour motif religieux ;
                    égorgement rituel seulement (sic!) une fois la semaine ;
                    enseignantes autorisées à porter le voile dans les écoles publiques tout comme les gardiennes de prison ;
                    droit de prier sur le lieu de travail pendant le ramadan ;
                    droit de construire des moquées (plus facilement qu'en France (sic) ajout de YC)
                    droit au nom de la liberté d'expression pour les imams de tenir des discours homophobes, la justice néerlandaise considérant ne pas avoir à se mêler des questions...religieuses :

Le procureur immigrationniste YC dénonce à cet égard « l'intolérance du hollandais de souche », et un « racisme institutionnel » qui seraient les causes du retour à la religion. Le multiculturalisme estime obligatoire de développer les mosquées pour « libérer les musulmans ». La politique de l'Etat hollandais reste un mélange de concessions sournoises et de répression « raciste » selon le révérend YC.
Il déplore certaines mesures « outrancières » à son goût, telle celle de la municipalité d'Utrecht ait décidé de supprimer les allocations chômage aux porteuses de la burqa. A côté de son étalement de compassion pro-islamiste, YC se veut en même temps critique, surtout de la religion catholique... : « Les religions évoluent, ce qui ne les rend pas moins nocives » ; il se veut rassurant, contre la tendance générale : « la plupart des sociétés sont en voie de sécularisation ». Puis, pape moralisateur, antéchrist antiraciste primaire, le voila-t-il pas qu'il fait la leçon aux anarchistes et aux marxistes : « nous ne vivons plus au temps de Galilée ». Dans les deux cas, chez le doux révérend Coleman (ex-chefaillon de LO) et nos rudes insurrectionnalistes du verbe, c'est la même hyper violence pathétique contre des ennemis imaginaires, et dans le cas de l'hypocrite révérend, complètement dans les voiles de l'Etat bourgeois.







[1][Après lecture ce tract m'apparût le meilleur qui ait été produit en date du 15 septembre parce que centré justement sur la question de la guerre, meilleur même que celui du groupe « Révolution ou guerre » (GIGC groupe international de la gauche communiste) : Exode massif sur tous les continents : ce sont nos frères de classe que le capitalisme assassine, le 5 septembre ; qui est critiqué sur ce blog)]. Néanmoins ce genre de tract contient un défaut : il est cloné sur les bulletins de boite de la maison mère LO (aïe les droits d'auteur...), il est personnalisé à chaque entreprise où il est diffusé, avec au dos des « échos de la boite » où il est diffusé, celui-ci porte l'en-tête « Hôpital public », concession sans doute au néo-bolchevisme trotskien qui veut assurer qu'il est bien implanté dans la classe ouvrière, ou qui se donne l'illusion qu'il aura ainsi plus l'oreille des masses de la corporation indiquée comme marque de lessive en chapeau de tract ; et vous imaginez la joie de l'ouvrier neuneu de base : « ouah un tract révolutionnaire qui parle de MA boite d'un côté et de l'autre de la situation internationale » !

[2]Ce qui m'apparut ultérieurement contradictoire avec le contenu (très bien) de leur tract, dénonçant la responsabilité des puissances occidentales.
[3]En entendant cette intervention assez externe au marxisme – les guerres impérialistes sont des compétitions entre grands Etats ou blocs rivaux – je repensais à cette autre hérésie, celle de Vercesi/Perrone (le grand animateur de BILAN) qui pensais que en 39-45 le prolétariat avait disparu ! Deux dérapages opposés en quelque sorte. Je réfléchissais au cour de cette réunion au fait que la question des réfugiés, de l'aide aux réfugiés peut conduire à la compromission politique. Le grand théoricien intransigeant de la Gauche italienne en Belgique (alors que Bordiga ronflait dans l'île où Mussolini l'avait emprisonné) Perrone, en se portant à la présidence du comité pour l'aide aux réfugiés italiens à la fin de la guerre en Belgique, fût salué par la presse bourgeoise comme un grand homme, dans l'union nationale charitable et pleurnicheuse.

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