"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

vendredi 27 décembre 2013

POUR L’ORGANISATION DE LA PRISE DU POUVOIR




 ARCHIVES MAXIMALISTES DU PHENOMENE STALINIEN

La période dite de « bolchévisation » du PCF, à travers la lecture de son organe théorique – Les Cahiers du Bolchévisme – révèle les tensions entre les critiques de l’expérience russe et les bolchévisateurs dévoués dont l’auteur de cet article fait partie. Pas très sûrs d’eux encore les opportunistes bolchévisateurs comme le révèle la série de recettes propagandistes du nommé A.Juin ; recettes toujours en vigueur dans la secte néo-stalinienne LO. On a longtemps attribué cet « éducationnisme » politique nunuche au legs de la IIe Internationale. Il faut différencier de l’époque fin du XIXe où beaucoup d’ouvriers ne savaient pas lire et l’encadrement idéologique stalinien professoral des années 1926-1936. En effet les anciens « hussards noirs de la République rad-soc » s’étaient reconvertis nombreux dans le parti stalinien naissant considérant les ouvriers comme des « élèves » à former dans une tradition toute léniniste (l’éducation apportée de l’extérieur…). Une éducation politique volontariste qui méprise la conscience de classe naturelle et introduit la hiérarchie des intellectuels éducateurs des masses. Pour la petite histoire, ce texte prétentieux, sous couvert d’une prise de distance avec le cas russe, a été publié après le Ve congrès du PCF, car tout servile qu’il était envers la bolchévisation (= organisation du parti en cellules d’usines contrôlées par la noria de militants instites et profs) il était mal vu par la « direction » déjà stalinisée et gagnée à l’électoralisme bourgeois en posant la question incongrue désormais, et has been de l’insurrection. En France du moins. La direction avait "retardé" sa publication de plusieurs mois ce dont l'auteur veule ne se plaint point.

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… Quand on examine les causes qui ont provoqué les difficultés de la construction du socialisme en Russie et par voie de conséquence, toutes les oppositions et les opinions différentes, elles apparaissent nettement comme étant les suivantes :
a)      L’immense majorité de la population paysanne ;
b)      Les différentes formes de production du pays ;
c)      L’état arriéré de la technique, de l’outillage, des méthodes de travail de l’industrie d’Etat (le textile en particulier) ;
d)     Le manque d’éducation générale des larges couches ouvrières et paysannes ;
e)      L’absence d’une éducation professionnelle rationnelle du prolétariat industriel ;
f)       Le manque de préparation préventive sérieuse des larges masses ouvrières et paysannes, en vue de la prise du pouvoir et de l’organisation de la production. De ce fait le pouvoir échoue à une classe mal préparée pour le recevoir ;
g)      Le bureaucratisme exagéré, conséquence de l’impréparation signalée particulièrement au point f).
Et pour tous ceux qui voient dans la discussion russe autre chose que des basses questions de personnalités, il apparaît bien que ce sont là les causes essentielles des désaccords.
Les théoriciens de la IIe Internationale d’Otto Bauer à Kautsky, peuvent triompher en proclamant leurs prévisions infaillibles, que la Révolution russe était prématurée, que sa tentative de construire le socialisme était vouée à l’échec, etc… Ils pourront même nous citer habilement des textes de Max pour confirmer ce qu’ils nous présentent comme vérité alors que ce n’est qu’erreur et mensonge tout ceci ne peut nous émouvoir et nous embarrasser. Les réalisations de la Révolution russe sont actuellement capables de démontrer largement leurs erreurs aux opportunistes bernsteiniens, et nous sommes plus que jamais convaincus de la nécessité de renverser la bourgeoisie dès que les circonstances s’y prêteront et même si tous les facteurs théoriquement nécessaires n’étaient pas absolument au point.
Et c’est justement parce que nous nous préparons activement à la prise du pouvoir, que nous nous efforçons d’utiliser tout ce que la vie quotidienne nous apporte en expérience précieuse et de rejeter impitoyablement tous les colporteurs de critiques négatives et d’impuissance.

Ce que démontre l’expérience russe

De tous les mouvements révolutionnaires qui ont apporté des expériences nouvelles à la cause prolétarienne, la Révolution russe est sans conteste celui qui a accumulé le plus et qui a tracé aux révolutions prolétariennes futures les chemins précis vers la prise du pouvoir.
Sans doute depuis longtemps, les marxistes ne se leurraient pas sur la difficulté de construire un nouvel appareil d’Etat prolétarien en remplacement de la vieille machine bourgeoise brisée. Sans doute les plus clairvoyants d’entre eux auguraient la période succédant à la prise du pouvoir comme pleine de difficultés, de risques et de dangers. Mais pour la grande masse des prolétaires révolutionnaires même politiquement et économiquement organisés, la grandeur de la tâche qu’ils doivent accomplir ne leur est jamais apparue sous son vrai jour.
La Révolution russe a jeté une lumière éclatante sur ce redoutable problème. Il nous appartient d’en faire voir le contenu à tous les exploités qui, demain, devront construire la société nouvelle.
L’expérience russe a démontré que prendre le pouvoir n’est rien si on ne sait s’y maintenir. Elle a précisé que se maintenir au pouvoir n’est pas encore suffisant si on ne sait organiser la production, la consommation, la répartition des produits, au mieux des intérêts des travailleurs.
Elle a établi que la meilleure arme pour l’édification du socialisme au lendemain du renversement de la bourgeoisie, est l’existence d’un prolétariat industriel et agricole fort professionnellement, théoriquement et idéologiquement.
Elle a reconnu que si le Parti bolchevik est l’arme essentielle dans les révolutions prolétariennes, par contre, les organisations de masse (syndicats coopératives, etc.) sont les instruments les plus complets pour asseoir le régime prolétarien et lui assurer une vie toujours plus favorable et plus stable.
Elle a mis en évidence l’indispensabilité de créer au cours des crises de la bourgeoisie, les fondements du nouvel appareil prolétarien qui remplacera l’appareil bourgeois que la révolution détruira (comités d’usines, de paysans, de soldats, etc.).
Elle a démontré qu’une connaissance approfondie de l’organisation capitaliste tant au point de vue administratif qu’industriel, était indispensable pour l’élite active du prolétariat révolutionnaire et qu’un ouvrier communiste a le devoir de connaître à fond le fonctionnement de l’entreprise où il est exploité, afin d’être le guide et l’organisateur dont le Parti et la révolution ont besoin.
Elle a proclamé que le Parti prolétarien qui ne prépare pas la classe ouvrière au renversement de la bourgeoisie par une organisation méthodique, une éducation persévérante, une connaissance claire et précise des difficultés de la tâche, est un parti indigne de conduire les masses à l’assaut du pouvoir.
L’expérience russe et les discussions qu’elle engendre, nous indiquent à nous, militants du parti, conscients de notre rôle, tout notre devoir et toutes les tâches que nous devons immédiatement entreprendre sous peine d’être traîtres à notre classe et indigne d’en avoir la confiance. (…)

Suggestions et conclusions

(…) Nous suggérons que dès maintenant, il faut examiner la réalisation pratique des premières mesures pour l’établissement d’organismes de base pour l’instauration du gouvernement ouvrier et paysan.
Examiner l’éducation de notre parti et des masses dans l’esprit que nous avons indiqué.
Rétablir le programme du Parti et en faire un véritable bilan de la situation nationale en même temps que le plan de bataille pour le renversement de la bourgeoisie.
Créer un état d’esprit favorable dans les syndicats par un travail éducatif de nos militants.
Pousser nos adhérents et les membres actifs des syndicats à étudier le fonctionnement de leur entreprise, de leur industrie, de l’appareil administratif privé et d’Etat.
Organiser des cours techniques dans les syndicats pour ceux qui s’intéressent particulièrement à ces tâches.
Etudier le lancement du mot d’ordre « Reconnaissance des délégués d’entreprises » premier maillon de la chaîne qui conduit à la réalisation du gouvernement ouvrier et paysan, comme nous l’avons déjà démontré.
Entraîner avec persévérance l’élite des masses ouvrières dans un travail d’éducation ingénieusement combiné (de causeries, cours, cercles d’exposition par région, rayon, sous-rayon, grandes cellules, de documents photographiques, illustrations, journaux muraux, etc.).
(…)
Si notre journal sait capter la confiance de ses lecteurs s’il sait nous seconder pour leur insuffler un minimum de foi et de conviction, notre Parti aura alors une ceinture de protection si invulnérable que non seulement son travail de pénétration parmi les masses sera cent fois décuplé, mais encore que tous les coups et toutes les illégalités dont la bourgeoisie nous menace, au lieu d’entraver notre action, auront pour effet de faire vibrer plus fort la cohorte de fer que constituera notre Parti enfin bolchevisé.
Il faut attirer les lecteurs de nos journaux à une collaboration plus étroite, en évitant de renouveler les erreurs de la rubrique de triste mémoire « La vie des usines ». Bien des avis excellents ont été déjà donnés par la voie des « Cahiers » ou par correspondance directe à « l’Humanité ». Que l’on s’en inspire.
Signalons l’extrême urgence de l’organisation et l’éducation de bons correspondants ouvriers et paysans, les vrais journalistes de demain. Indiquons comme bon moyen de lier les lecteurs avec leur journal tout en les incitant à penser, s’éduquer et se former, celui déjà utilisé et consistant à jeter dans le débat une question bien choisie : « Comment vous représentez-vous le gouvernement ouvrier et paysan » ou encore « Qu’est-ce que les Soviets ? Leur application est-elle possible en France ? ». On indique que la lecture de tel livre ou de telle brochure peut faciliter la solution du problème posé et que les meilleures réponses seront publiées et récompensées par le don d’un ou plusieurs livres dédicacés par le Parti. Cette dédicace serait un appel à l’adhésion. Par ce procédé on obtient un triple résultat : Vente de notre littérature, éducation des lecteurs, découverte de futurs adhérents, voir même de futurs chefs du mouvement ouvrier.
Nous avons indiqué que cette initiative avait été utilisée par L’Humanité en 1924, mais malheureusement
d’une façon incomplète et que la promesse de récompense par livres, ne fut jamais tenue, ce qu’il faut éviter à tout prix.
La même idée peut être utilisée pour la diffusion d’ouvrages éducatifs. On recommandera dans nos journaux, un volume par des appels dans le genre de ceux qu’a fait J.Bouquin dans L’Humanité, mais mieux en évidence et plus soutenus. On choisira des ouvrages dont le contenu peut se lier avec les préoccupations de l’heure dans le pays ou dans la région, et on demandera aux lecteurs de donner leur avis par écrit après lecture, avec les mêmes modalités qu’il a été expliqué.
L’exécution de cet immense travail est parfaitement réalisable si une liaison souple et permanente fonctionne de la base au sommet de notre parti, si l’initiative est stimulée sans relâche et utilisée pour le plus grand bien du Parti.
Si la direction est intransigeante sur le respect des principes intangibles qui nous régissent.
Si elle brise impitoyablement toutes les cloisons étanches et toutes les combinaisons intéressées qui s’abritent derrière l’intéêt du Parti.
Si elle agit en vraie direction bolchévique.
Alors elle aura implanté en France le Parti bolchévik invulnérable, et conquis la confiance entière de tous les adhérents confiance qui permit à Lénine de mener le Parti bolchévik russe à la victoire;

Moscou le 28-8-26                                                                   A.Juin
In Cahiers du Bolchévisme n°58  9 octobre 1926 (au sommaire de ce numéro on trouve des articles de P.Semard, Staline, G.Péri, Marcel Ollivier etc.)



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