"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

mercredi 11 janvier 2012

SYNDICS DE FAILLITE (suite)



SUR LES QUAIS SYNDICAUX

Il ne fallait pas rater l’émission du subtil Yves Calvi dans son émission du 10 janvier « C’ dans l’air » (toujours sur la lame du rasoir idéologique, et qu’adorait notre ami Goupil), intitulée « Sur les quais » en référence au film avec Marlon Brando des fifties sur la mafia syndicale portuaire aux Etats Unis ; film de Kazan qui n’a pas pris une ride, et que tout prolétaire ne peut se passer de revoir. L’émission avec toujours des spécialistes soft et arrangeant autorisés, n’a pas vraiment outrepassée le manichéisme simpliste du film de Kazan. Mais quand même, sur la pourriture des syndicats institutionnalisés et sur la mise en scène indubitablement facilitée par le gouvernement Sarkozy, chaque spectateur conscient ne pouvait que profiter des interlignes, des sous-entendus et des leçons de morale syndicale pure des invités triés sur le volet et très œcuméniques de compassion pour les licenciés de la mer.

Sous les sourires et les raisonnement conviviaux, les « autorisés » des médias d’Etat surent masquer la raison majeure de tous ces mics macs « scandaleux » : sans des syndicats ergoteurs et même pourris jusqu’à la moelle, qui ridiculisent la classe ouvrière en défendant des corporations féodales, dont les chefs des appareils sont présentés comme des parangons de vertu face à des bases locales corrompues, LA BOURGEOISIE A PEUR DU PROLETARIAT. Dès le départ toutes les factions syndicales, officielles (CGT, CFDT) comme leurs suivistes dits « honnêtes » (cf. SUD et compagnie, CNT incluse) ridiculisent depuis des décennies la grève comme instrument de lutte générale de la classe ouvrière. La complicité entre « pourris » et « purs » est avérée si vous vous reportez aux tractes et articles de soutien des grèves mafieuses de la SNCM, et d’un tas de boites depuis des décennies où gauchistes et anarchistes se sont « solidarisés » avec les actions violentes et très localisées des appareils locaux des « grandes confédérations », leur reprochant même de ne pas en faire assez, en généralisant par exemple la mainmise des mafieux syndicaux partout où la défense du clan corporatif primait pour les affiliés directs (syndiqués de bandes locales et familiales). Gauchistes et anarchistes, connaissant très bien les pratiques terroristes et mafieuses des syndicalistes d’Etat, espèrent toujours simplement rivaliser pour prendre la place chaude et enrichissante. Quand on pense que les anarchistes nous brament depuis deux siècles que la société d’avenir devrait être autogestionnaire et gérée par les appareils syndicaux, on frémit d’horreur.

La tonalité de l’émission était tout à fait consensuelle, les braves debaters s’affirmèrent immédiatement conte toute interprétation généralisatrice abusive de la corruption, avec ce délicieux argument de faire passer playmobil Thibault et fils Chérèque pour de braves dirigeants dupés par… une base locale pourrie ; oubliant benoitement de rappeler qu’ils avaient commis pire que les petits truands locaux des appareils, faire passer la loi inique contre les retraites en totale complicité avec le gouvernement. Un de aimables invités eût même le culot de nous assurer que Thibault avait paralysé la France en1995, et que ce héros avait eu du mal depuis des années à nettoyer les écuries d’Augias du syndicalisme made in CGT rétribué par l’Etat et le patronat, avec ce souci éminemment citoyen de « préserver la paix sociale »!
La corruption syndicale est expliquable simplement, dit l’un, adoubé par les autres, c’est la faute aux ouvriers et aux employés qui ne se syndiquent pas suffisamment ; comme si les cotisations d’antan avaient été un gage de syndicalisme honnête ! En France n’y a-t-il pas que 8% de syndiqués dans le public et 5% dans le privé ? Hein, alors où trouver le fric pour huiler les appareils et appareillés des structures de contention sociale de l’exploitation ?

Les braves invités de Calvi maquillèrent allègrement, au passage, l’histoire passée du début de la reconstruction du pays : c’est pour éviter les classiques vols massifs dans les ports que le gouvernement De Gaulle et ses alliés staliniens auraient institués le monopole d’embauche sous égide syndicale. Ce n’est donc qu’à présent, voire localement à Calais comme à Marseille, que des bandes « organisées » auraient fait honte à ce monopole d’embauche, pourtant très cogestionnaire, pour éviter toute explosion généralisée de cette classe ouvrière, très corruptible à travers ses représentants toujours auto-désignés ! On laissa de côté que dans toutes les industries (automobiles, bâtiment, services, etc.) le vol ou détournement généralisé de quelques uns n’a rien à envier à la faillite des régimes staliniens, et que ce n’est qu’un des aspects (pas le plus important) de la décadence du capitalisme financier, ou une partie infime des prolétaires et d’anciens ouvriers, participent au pillage pour leur gueule.
A plusieurs reprises on entendit l’un ou l’autre remarquer naïvement que « les organisations syndicales ont besoin d’argent », sans nous expliquer pour quoi, pour qui, mais en constatant toujours paradoxalement « pour la paix sociale », comme si cet objectif financier était louable et… désintéressé pour les permanents fainéants et partageux du « pouvoir politique » sur les masses prolétaires. L’opacité financière, à double fond des nombreuses structures syndicales et de tous les CE, fût soulignée, mais toujours relativisée par cet argument stalino-anarchiste par cette fable du syndicat moderne qui se construirait « de la base au sommet » ; comme toujours les ouvriers, ou ceux parmi eux qui chantent les refrains corporatifs de leurs encadreurs et encarteurs professionnels, ou défilent badgés comme des singes, restant les « dindons » de la farce (op.cit.)
Le téléspectateur n’échappa point à la focalisation grossière sur les magouilles de la mafia CFDT de Sea France, en étalant ce que le public ouvrier savait et subissait depuis des lustres : congés exceptionnels, promotion des « copains » et des « frères » ou des « footballeurs » du coin. Deux représentants du patronat et du gouvernement tentèrent de focaliser la corruption sur les seuls monopoles du public, quand JL Touly les moucha en remarquant que ce n’était guère différent dans les boites privée, petites ou grandes (comme Veolia). Le rapport Perruchot, enterré avec la complicité de tous les partis électoraux de la bourgeoisie, planait invariablement au-dessus de têtes, générant un malaise inévitable avec des sourires jaunes. Loin de simplement exempter le syndicalisme en pointant du doigt des brebis galeuses, dénigrant le « tous pourris », nos debaters laissaient malgré leur bonne volonté collaborationniste, pointer la vérité : « les politiques ont besoin de relais dans la vie sociale »… pour la « paix sociale ».

Le Thénard du Figaro, cire-pompe autorisé de Sarkozy, ne manqua pas de souligner une évidence communément reconnue sauf par les mafiosos du cru, Sea France a commencé à s’écrouler dès 2007 par les énormes détournements de marchandises, d’une valeur de millions d’euros (duty free, magnétoscopes, etc.). Personne n’était là non plus pour informer des pratiques des pillards de la mer patronaux du Pas de Calais, non seulement ils empochent 70% du revenu de leur pillage maritime, mais ils font payer l’essence de leurs bateaux à leurs ouvriers-marins ! La fortune des patrons marins-pêcheurs contrastent pornographiquement avec la misère des ouvriers-marins et avec les « détournements » accessoires à Sea France. Tout le monde le sait, mais les prolétaires s’inclinent, impuissants, dans la région la plus chômeuse de France.

UN MIC MAC POUR AFFAIBLIR LA CAPACITE DE RIPOSTE DE LA CLASSE FACE A LA CRISE SYSTEMIQUE
Tout en prenant soin de distinguer les brebis galeuses du clan syndical CFDT local, on se plut à souligner que le « pauvre personnel » était désormais divisé, avec cette fleur de rhétorique pour sciences PO et énarques en apprentissage : d’un côté les mafiosos qui protestent de leur innocence non encore « prouvée par les tribunaux » (refusant tout arrangement, ce qui fait très combatif pour anarchistes infantiles), de l’autre les « non-syndiqués » mendiant pour un repreneur (ce qui fait très réformiste) !
Mais, ce confusionnisme ne pouvait éviter de laisser percer le fonctionnement « légal » de la corruption : le chef du CE syndical est le véritable patron de l’entreprise, les experts nommés pour vérifier les comptes sont eux-mêmes « très liés » aux CE, les cartes d’embauche de dockers à Marseille sont transmissibles de père en fils. Ces constats scandaleux de l’inféodation du syndicalisme de la base au sommet, étaient immédiatement modérés par le Thénard sarkozyste de service : « les syndicats ‘évoluent’ ; Bernard Tibault, l’homme qui a bloqué la France en 1995, a beaucoup souffert en interne pour convaincre ses affidés de venir à la table des négociations et d’en finir avec la mainmise du PCF sur le principal syndicat français », « la CGT nationale a aidé à contrer le syndicat (mafieux) pourri à Marseille ». Touly, spécialiste de « l’argent des syndicats » protège sa peau en appuyant l’idée que « on a besoin des syndicats », mais ne peut s’empêcher de rappeler que dans les ports, le marché du travail ne peut être contrôlé que par l’empire CGT (où la CFDT resteminoritaire), et que si Thibault se tait, c’est parce qu’il est bien content que la patate chaude échoie au concurrent CFDT. Lorsque l’un ajoute par après que « Chérèque a fait preuve de courage », l’autre répond qu’il ne pouvait pas ne pas être au courant… A la question d’un spectateur intelligent : « les syndicats ne peuvent jamais être contrôlés », Touly répond courageusement qu’ils ne sont pas élus mais « désignés ».
Malgré leurs prêchi-prêcha à fleurets mouchetés, et la trouille au cul, les gentils debaters ont été obligés de reconnaître en cours de route que les mafieux syndicaux, de Marseille à Calais, ne sont finalement jamais inquiétés par la « justice ». Cela on voulait l’entendre dire par ces invités, nous les pauvres anonymes sans voix et sans considération, comme nos frères de classe de Calais, hors des clans syndicaux, jetés à la rue par les clans mafieux et leurs complices au sommet de l’Etat.

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